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Difficile de croire qu'un primé du fameux Pulitzer, une sommité des lettres juives américaines, soit si peu connu en France. Bref, passons cette introduction en forme de coup de gueule.

 

Sans être un chef-d’œuvre à mon sens (on y était presque), L'homme de Kiev vous met un uppercut direct dans votre frimousse de lecteurs trop naïfs. Il s'agit d'un de ces romans qui 50 ans plus tard, n'ont rien perdu de leur modernité, de leur message universel, cette grande leçon de morale contemporaine qui vous confronte à la laideur du monde (je ne suis pas d'un caractère optimiste je le confesse).

 

Bernard Malamud se saisit d'un fait divers qui eut lieu en Ukraine impériale au début du XXe siècle : un juif tout ce qu'il y a de plus tranquille, fut accusé (à tort précisons-le) du meurtre sauvage d'un pré-pubère ukrainien et chrétien. Il n'en fallut pas plus pour déchaîner la fosse aux lions de la vindicte populaire et antisémite de cette Russie, grande amatrice de pogroms et autre chasse aux Juifs. On doit s'ennuyer ferme dans ces pays froids...

 

Bernard Malamud compose le personnage de Yakov Bok, brave et simple réparateur, débarqué tout droit de son shtetl au mauvais endroit au mauvais moment. Yakov ne rêvait pourtant que d'une vie simple et paisible : un logis confortable, un revenu décent, une existence méditative loin de la pression de sa communauté religieuse, lui le libre penseur agnostique, adepte de Spinoza. Déjà cocu et quitté par une vile épouse infertile, la poisse semble lui coller aux basques. Les mauvaises rencontres, le fatum, bref, prenez-le comme vous voulez mais toujours est-il que le voilà accusé de meurtre rituel sur une victime chrétienne. La légende voudrait que les Juifs se nourrissent de sang de martyrs chrétiens pour célébrer shabbat, rien que ça ! Donc CQFD, Yakov Bok a tué pour cette raison. Je vous épargnerais les salamalecs et autres croyances transmises de génération en génération dans cette bonne vieille Russie tsariste mais cela fait froid dans le dos. Sans compter l'inaction de la justice du tsar bien décidée à lui faire tâter de la potence, les faux témoignages, les mensonges et omissions, et vous aurez le tableau saisissant d'une erreur judiciaire implacable de monstruosité. Le pauvre Yakov Bok, pauvre bougre impuissant, assiste médusé, au terrible sort qui lui est destiné, broyé par une époque instable.

 

Je vous le disais en préambule, ce roman est intemporel, modernement absurde, saisissant de réalisme. Bernard Malamud aurait pu le transposer à n'importe quelle époque, à n'importe quel endroit, ça ne changerait rien au message sous-jacent. Lisez ce roman les amis, il ne vous fera que du bien. Et même si l'émotion n'est pas au rendez-vous, d'autres sentiments tels la colère, la frustration, la révolte mais aussi le désir de paix, vous accompagneront et ils sont bien nécessaires en ce temps troublés.

 

 

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