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Gros coup de cœur de ma libraire et je comprends pourquoi. Pourtant ce n’était pas gagné : évoquer l’univers carcéral et le couloir de la mort de manière poétique et sensible, seul Stephen King avec La ligne verte avait osé le faire jusqu’à présent. Journaliste spécialiste de la question, René Denfeld connait bien ce milieu qu’elle a décidé de transposer en roman. En ce lieu enchanté c’est cette prison d’état, ce « donjon » comment l’appelle un des protagonistes de l’histoire - accessoirement sociopathe dont on n’ose décrire les crimes et atrocités commis - où croupissent les condamnés à mort. Sans contact avec l’extérieur, leur vie se résume à attendre : la délivrance pour les uns, l’angoisse du baiser de la faucheuse pour les autres. Au cœur de cette noirceur qui leur tient lieu de quotidien, une figure lumineuse vient les visiter en la personne de la « Dame ». Enquêtrice mandatée par des avocats avides de succès qui ne s’intéressent qu’aux condamnés à mort, son métier consiste à commuer une peine de mort en peine de prison à vie. Ces couloirs lugubres sont son quotidien à elle aussi, femme paumée et fragile qui noie sa solitude dans son travail, avec pour seule compagnie les bourreaux et leurs familles. Auprès d’elle, un prêtre repenti qui tente tant bien que mal d’insuffler un semblant d’humanité et de foi à ces âmes damnées, un directeur de prison sensible et juste, des caïds de prison, avides de chair fraîche et régentant ce microcosme, des matons ripoux aux dents longues.

La Dame est cette fois mandatée pour « sauver » un nouveau condamné à mort, York. Mais comment faire quand celui-ci refuse obstinément d’être sauvé du couloir de la mort et a déjà renoncé ? S’opposant à un mur de déni, la Dame va tenter de comprendre les raisons ayant poussé cet homme à commettre les crimes pour lesquels il a été condamné. Déterrant les pans de son enfance, elle découvre un passé lugubre fait de maltraitance, d’abus, une existence non souhaitée qui trouve son achèvement dans les couloirs du Donjon. Peut-on excuser les actes barbares commis par cet homme au regard de son passé ? Sans jamais juger, la Dame tente de comprendre mais n’excuse pas pour autant.

Magnifique roman sur la condition carcérale, juste, sans parti pris, En ce lieu enchanté est transcendé par l’écriture émouvante de René Denfeld qui porte un regard attentif et bienveillant sur cet univers d’ombres. Simplement, elle raconte cet univers qu’elle a longtemps côtoyé et soulève cette question fondamentale : la rédemption dans la mort est-elle l’unique solution ?

En ce lieu enchanté de René Denfeld, éditions Fleuve noir
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